L’école, un projet républicain

fresque murale (YZ) Périgueux

Cinq heures vingt et une. Réveillé depuis quelques temps, cette chronique me trotte dans la tête, j’en formule les termes entre éveil et rêve. Mieux vaut se lever et commencer à écrire.

« Le travail des directeurs est épuisant, car il y a toujours des petits soucis à régler, ce qui occupe tout notre temps de travail et bien au delà du temps rémunéré, et à la fin de la journée, on ne sait plus trop ce que l’on a fait. »

Cette phrase est extraite de la lettre de Christine Renon, datée du 21 septembre 2019, le jour même de son suicide dans son école de la ville de Pantin. Ce premier article est dédié à cette collègue. Je prends son terrible geste comme une mise en garde.

A partir de la rentrée prochaine, je prendrai en charge la direction d’un grande école primaire, avec une décharge totale. « Mais que diable allait-il faire faire dans cette galère ? » s’exclament Géronte et Cyrano.

Depuis que j’ai annoncé mon intention de me lancer dans ce nouveau métier, depuis que j’ai obtenu ce poste à titre définitif dans la ville où je réside, j’ai perçu chez mes interlocuteurs une grande perplexité. Serais-je naïf, idéaliste, dans le déni d’une réalité qui envoie de nombreux signaux alarmants sur l’état d’esprit et de santé des personnels de direction du 1er degré ? Aurais-je la folie de Don Quichotte de vouloir m’ériger en chevalier des temps modernes pour finir épuisé à combattre à des moulins à vent ?

Je prends très au sérieux tous ces signaux, l’air du temps nimbé de pessimisme comme les marques de grande fatigue lues sur les visages de certaines directrices d’école croisées dans le cadre de mes précédentes fonctions de conseiller pédagogique. Je m’attends à vivre des moments difficiles. J’annonce à qui veut l’entendre que j’ai l’intention de me préserver, que je renoncerai à l’exercice de ces fonctions si je m’y abîme trop. Je l’écris et le donne à lire sur le fil de ce blog.

Quelles sont mes motivations, qu’est-ce qui m’anime à l’aube de cette nouvelle année scolaire ? Depuis plusieurs minutes me trotte dans la tête le nom de Mona Ozouf. Cette historienne a beaucoup écrit sur la République et son École. Je me souviens du moment précis de ma vie où je l’ai entendue parler à la radio – elle présentait le Quarto regroupant nombre de ses écrits. J’ai retenu de ses propos le terme de projet républicain. L’école républicaine est le projet de la Nation pour ses futurs citoyens.

De biens grands mots pour une fonction qui consiste à classer des mails, faire le portier et le standardiste, être dans l’immédiateté de situations qui déferlent à la porte du bureau d’une direction en perte de sens.

De bien grands mots pour donner du sens à l’action d’un directeur qui ne peut ignorer les principes fondateurs de l’institution qu’il sert, et qui est convaincu que l’École doit rester un projet d’avenir vivant, une ambition éducative pour les élèves et leurs parents, les enseignants et l’ensemble des membres de sa communauté éducative.

En trente ans d’exercice, je me suis forgé une expérience de l’École pour en arriver à une certaine connaissance du système éducatif, de ses réussites et de ses biais de fonctionnement. Je ne sais que très peu de choses de l’école dans laquelle je vais inscrire mon action à partir du mois de septembre. L’ensemble des personnels, les élèves, leurs parents et moi allons apprendre à nous connaître et à travailler ensemble. Je vais mettre à l’épreuve du réel mon expérience, ma motivation et les valeurs qui me portent et me permettront de garder le cap.

C’est mon projet.

Mona Ozouf interviewée par Bruno Duvic le 14 avril 2017 sur France Inter

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